Attention, ce soir, sur toutes les chaines de télévision et sur toutes les ondes : grand rendez-vous médiatique parfaitement simultané, juste après avoir rapidement évoqué la radioactivité au japon, la guerre en Lybie et juste avant d’aborder le bulletin météo, sur toutes les chaines du câble ou non : voici l’annonce officielle de l’ouverture des soldes.
Ouhaou !!! LES SOLDeS !!! Trop génial !
Des images de cohue, de femmes hystériques devant un top rose fuchsia 100% coton absolument craquant, dans une étreinte fusionnelle avec le chariot à vêtements et des dizaines de cintres aux bras en guise de bracelets . Prises de vapeurs, elles manquent de s’évanouir, puis, bien que troublées, se ressaisissent : les ovaires palpitants sous tant d’acquisitions potentiellement jouissives et manifestement érogènes. Totalement déterminées, elles poursuivent leur ensorcelante quête d’achats compulsifs…
Mais ça se passe ou ça ?!...
Dans ma pampa, chez moi, là-haut : la frénésie compulsive, on connaît pas !
C’est pas avec nos 3 paires de chaussettes 36 /37 jaune-mandarin et les 2 shortys 46/48 Ivoire et saumon abandonnés au fond d’une caissette à melons de chez Intermarket, que l’on va s’enflammer !
Alors je m’suis dit : « j’vais descendre à la ville pour voir »…
Les emmerdes commencent directement au parking souterrain de la mairie. Premier stress : garer la voiture sans emplafonner les piliers et feindre de ne pas s’être aperçu que l’on a rayé le rétroviseur du voisin. Deuxième temps : parvenir à ouvrir la porte conducteur et glisser un pied à l’extérieur, si tu mets le mauvais pied au sol en premier : t’es coincé, faut recommencer. Troisième temps : se glisser entre son véhicule et celui d’à côté tout en prenant les cabas sur le siège arrière. Ben ça, mes chéris, ça va quand t’as pas de gosse à sortir du siège auto, sinon : tu fais toute l’opération en passant par le coffre de la voiture ! On devrait sans doute indiquer à l’entrée du parking : « parking strictement réservé aux anorexiques. Pour les autres : garez-vous en double file et la fourrière se chargera du reste !».
Bon, t’as ton ticket, tu défroisses ta robe, tu replaces ta frange Jaques Dessange, tu repositionnes tes balconnets un peu chamboulés par tant d’exercices d’assouplissements, et hop ! : Te voilà prête pour une expérience palpitante au cœur de la grande ville et de ses magasins avec escalators !!!
Amazing !!!
C’est vrai qu’à part ma frange Jaques Dessange, on peut pas dire que j’aie conservé un look de pure citadine. C’est en en croisant quelques-unes sur mon chemin que cette certitude est devenue très pesante… voir omniprésente…
J’avais pourtant mis ma jupe plissée et mon chemisier en lin … bof-bof pour une journée shopping… j’ai voulus assurer le confort, c’est sûr que j’ai moins d’allure que ces p’tites nanas aux lunettes Dior et en talons haut, mais je ne voulais pas entraver mon après-midi avec des ampoules aux pieds et des fringues impossibles à retirer sans un pied de biche.
C’est alors que le regard des autres a commencé à être de plus en plus pesant. Dans ma pampa, la haut : tu peux te balader avec une tache de sauce tomate sur l’épaule et tatouiller en savates avec les voisins sans que ça ne fasse l’objet d’un regard condescendant.
Alors je ne sais pas si ça un rapport avec le fait d’être ou non une citadine mais quand tu entres dans les boutiques clinquantes du centre-ville, tu as la sensation que toutes les personnes qui sont autour de toi, ainsi que tous les vêtements que tu convoites, ne dépassent pas le 36.
Alors comme je suis venue pour partager moi aussi la frénésie des soldes, je ne me suis pas laissé étourdir par ces complexes inopportuns. RIEN ne devait ralentir la combustion spontanée de ma carte bancaire…
Je me suis alors lancé dans les allées, d’abord sans objectif, simplement guidée par un coup de cœur singulier. A bien y regarder, il doit certainement manquer de stocks dans ma taille, je me dirige vers la vendeuse et lui demande poliment si les articles en soldes sont tous en rayon. Après m’avoir dévisagée de haut en bas avec une grossière discrétion, elle me répond : « c’est pour offrir ? ». Alors je constate que tout autour de moi, de grands miroirs recouvrent tous les murs, invoquant violement la disgrâce de ma silhouette, manifestement incompatible avec celle de la clientèle du magasin. Pour acheter ici, il faut d’abord avoir bien conscience des mensurations avec lesquelles on ose se présenter dans la boutique. Aucune draperie, même grotesque, n’est disponible au-delà du 38/40.
Voyant tout de même l’embarras et la déception dans lesquels je me trouvais, une autre vendeuse m’a indiqué de son doigt finement manucuré, une boutique dans la rue d’à côté. J’ai tourné aussitôt mes ballerines, trop contente de ne pas voir mon après-midi shopping s’arrêter là, la carte bancaire déjà en main.
Bon, c’était pas vraiment une boutique mais plutôt un supermarché ! Mais je n’allais pas me lamenter, on peut sans doute trouver des trucs sympas dans un supermarché… entre le rayon accessoires de plages et bricolage estivale !
Voilà, les portiques sont blindés de fringues, du sol au plafond : un étalage en 3D en somme ! Alors quand je me plonge dans cette masse de textile pour espérer trouver la taille sur le petit « bitoniaux » épinglé sur le cintre, je découvre rapidement avec une lucidité que même ma déconcertante blondeur n’aurait pu ignorer : que les petits « bitoniaux »en question ont une couleur correspondante aux tailles !!Et ou trouvent –t-on les cintres avec les petits « bitoniaux »rouges correspondants à MA taille ? bien au fond, à l’arrière de l’immense tringle qui se trouve tout en haut…ou tout en bas (pas plus pratique pour moi !) de l’étagère…. Alors quand on a quelques complexes : inutile de vous dire que ça n’arrange rien ! Me voilà à califourchon sur le premier rang de l’étagère, la tête en sueur, étouffée par cette masse d’étoffes, à rechercher ce (…) « bitoniaux» rouge !!!
Faut vraiment être décidé pour exécuter de telles prouesses, de plus, aux yeux de tous.
Pas folichonne la récolte ! Alors j’entreprends un nouveau périple dans la zone commerciale cette fois : ce sera surement un peu plus cher, mais vu le peu d’articles sur lesquels j’ai pu hésiter jusque-là, on ne peut pas dire que j’aie franchement fait chauffer la carte !
Oh temple de la consommation : me voilà !
Encore pas mal de pas perdus à parcourir le magasin de long en large sous le regard médusé (décidément !) des vendeuses. Je m’en remets aux bons conseils du vigile qui m’oriente vers un recoin obscure de l’édifice grossièrement rehaussé d’une pancarte des plus explicites en caractères gras : « RAYON GRANDES TAILLES ». …bon ben, appelez les choses comme elles sont, y’a plus à chicaner sur les termes cette fois. Le coin des grosses, donc, se trouve juste en bas des escaliers, au fond à gauche, derrière les barbelés et sous les miradors : un tombeau de la honte en quelque sorte !
Alors sans grand enthousiasme, j’enfile les quelques sacs à patates que je trouve avec le triste sentiment de ne jamais pouvoir porter les vêtements qui me ressemblent… il faut croire que les femmes fortes ne sont dotés d’aucun bon gout et sont condamnées à porter des tabliers à fleurs et des caleçons treillis trop larges…une grosse : c’est moche, et on s’assure qu’elle va bien le rester.
Pour consolation, réjouissez-vous messieurs, si vous craignez que votre moitié dilapide votre compte en banque en dépenses vestimentaires, il n’y a par le fait, pas plus économe qu’une femme XXL !s hauts les cœurs mesdames ;
N’en faisons pas un drame, quand on n’est pas née belle, tout le monde sait bien que l’on compense autrement !seules les trop belles ne se donneront jamais cette peine. C’est même pas moi qui le dis, c’est le « grand Jacques »(Brel) !
A cultiver ma plastique, moi pour le moment, je préfère cultiver mon sens de l’humour !
Quand j’attaquerai un régime, je vous ferai signe, y’aura encore surement à raconter !...