Ne ressentez-vous pas comme moi, à l’arrivée des beaux jours, un certain malaise alors que tout le monde s’émerveille de voir la nature à nouveau nous suggérer un spectacle merveilleux à découvrir ?...
Les sentiers retrouvent leurs bordures de fleurs, les forêts nous inondent de leurs chants apaisants, chaque colline offre la surprise d’un nouveau paysage une fois franchie, les méandres des ruisseaux crayonnent des itinéraires inédits à travers les champs et les terrains escarpés… Une multitude de mystères à dénicher dans la plus grande symbiose avec dame nature …sauf que moi : partir en balade, ça m’angoisse ...
Oui, parfaitement, ça M’ANGOISSE ! Aussitôt qu’on m’invite à la découverte de la nature, j’esquive, ou pire : j’explose. Encore l’autre jour, ma pauvre Amie en a fait les frais. D’un air exaltée et complice, elle me dit :
« On va faire un tour à « la cloison », on se fait une petite marche jusque-là ?! »
« Non, mais vous allez arrêter de me casser les pieds avec vos marches !!! ? On peut pas aller à un endroit sans faire tout le tour du comté avant !? » (un poil plus grossière en réalité dans la version original)
Voilà, j’ai pas géré !! C’est sorti tout seul, la pauvre m’a regardée, interdite, totalement déroutée par ma réponse. Elle qui me lançait une invitation qui ne se refuse pas, je l’ai envoyé balader comme une malpropre, les poings sur les hanches, penchée sur elle de toute ma hauteur (l’amplitude des tailles respectives aggravants de fait la situation), pire qu’une matrone en pleine crise d’insuline ! Bravo Mamanmouth, c’est bien joué, ça ! Sûr qu’elle n’y reviendra pas !
C’est vrai que ça se refuse pas un petit moment partagé entre copines, y’a pas de quoi être fière, vraiment ! Déjà que mes voisins semblent éviter mon regard quand ils passent devant chez moi en legging de sport ou en vélo équipés de la gourde sac à dos, faut vraiment que je fasse un travail sur moi !...
Seulement voilà, J’aime pâs le sport…
Ouais, je sais, c’est pas bien, c’est pas bon pour la santé et c’est même pas tendance ! Je voudrais pourtant y croire des fois, j’imagine que j’ai peut-être encore quelques cellules favorables à la mobilité , que la sédentarité n’est plus pour moi, alors là : j’investie dans un elliptique et je m’époumone quelques semaines, au moins jusqu’à ce que je ne sente plus obligée de justifier la facture de l’appareil . En général, dans ces initiatives, le deuxième jour est plus facile que le premier : parce que j’ai souvent déjà abandonné !
Bien souvent, ce deuxième jour, je me mets à résonner « pragmatique » , c’est l’inconvénient d’être trop cérébrale: pourquoi me faire mal alors que je n’y suis pas obligée ? Pourquoi faire le tour du village à pieds pour aller à l’école alors que j’aurais aussi vite fait en voiture (et je n’aurai même pas à retirer mes chaussons pour enfiler des chaussures) ? Pourquoi courir alors que je peux y aller en marchant, voir même, ne pas y aller du tout ? j’ai un problème majeur avec l’effort injustifié ….
Pour que mes réflexions pragmatiques ne viennent entamer mes bonnes résolutions, il faudrait que je fasse du sport dès le matin, avant même que mon cerveau ne prenne conscience de ce que je suis en train de faire !
Quand on avait 20 ans, on ne se balançait pas un petit clin d’œil complice quand on devait aller quelque part en marchant, et surtout, on ne triplait pas la distance, juste pour le plaisir ! S’entretenir physiquement, il parait que c’est bon pour limiter le vieillissement de notre corps. Moi, je travaille à l’entretien d’une maturité juvénile, à ce niveau : pas de vieillissement annoncé, c’est déjà pas mal !
J’ai un décalage certain avec ma génération. J’en conviens. Certains tentent parfois de m’initier au plaisir du sport, dernièrement c’est une autre amie qui m’a proposé un petit footing persuadée que sous l’emprise de l’alcool j’allais accepter ; il y a bien sûr mon cher mari qui persiste chaque printemps avec son indéfectible enthousiasme ; n’oublions pas ce pauvre S** qui m’a supporté et épaulé à la remontée des cascades du Waroly, pire qu’une candidate hystérique de téléréalité, précisément choisie pour cette raison ; Je pense enfin à ma voisine que j’ai maudit suite à l’ascension du sentier des statues (en Suisse voisine) : idée qu’elle m’avait soufflée la veille, comme un émerveillement pour les sens. Confortée par le fait que la dame qui nous précédait dans cette ascension portait des talons hauts, je suis partie sereine et persuadée qu’on n’en aurait pas pour longtemps. J’ai fait ma maligne sur quelques centaines de mètres, en vantant les effets bénéfiques de l’elliptique sur mon souffle et mon agilité, puis mon énergie a sensiblement déclinée, certaines parties de mon corps refusants de quitter le sol, j’ai rampé jusqu’à m’abandonner, semi-inconsciente, sur chaque banc, anémiée comme pour l’ascension du calvaire de Golgotha.
Pendant ce temps-là, mon fils et mon mari, chargé de ma fille sur les épaules, montaient les dénivelés et les redescendaient régulièrement avec hâte, histoire de s’assurer que je ventilais toujours, ça a juste eu effet de m’agacer au reste. J’ai jamais réussi à compter toutes les statues…j’ai râlé plus intensément devant chacune d’elles. Malgré les sollicitations chaleureuses de mon pauvre mari, j’ai fini par imposer froidement mon désintérêt pour ces foutues statues, et sonner ainsi l’échec imposant de cette ultime initiative... je sais, c’est moche.
Comble de l’agacement quand j’ai eu le malheur de raconter ma grande déconvenue le lendemain à ma douce voisine pour obtenir de sa part quelques compassions, après l’avoir, bien sûr, violement insufflée de reproches, elle m’a achevée avec un :
« T’es pas allé plus haut jusqu’au mont Racine, c’est dommage ! ».
No comment.
Chers amis bienveillants, désolé de vous avoir imposé à tous, mes râles, mes rougeurs, ma rancœur, mes cris et parfois même, mon poids ! Il faut savoir reconnaitre que la persévérance de ces derniers, mérite toute ma gratitude et mon admiration.
Je crois que la nature est ainsi faite : il y a ceux dont l’alchimie entre le corps et l’esprit tolèrent la souffrance dans l’effort, et ceux pour qui, se toucher les orteils restera un fantasme à jamais !
Avec beaucoup de réalisme, je me dis parfois qu’après tout, si le créateur avait vraiment voulu que je puisse toucher mes orteils, il les aurait, en toute logique, placés plus haut sur mon corps…